Fixant un prix aux émissions de dioxyde de carbone émis lors de la fabrication de certains produits importés, ce mécanisme vise à plus d'équité entre les entreprises européennes et celles des pays tiers, et à prévenir les "fuites de carbone", autrement dit la délocalisation des industries émettrices de gaz à effet de serre vers des pays aux normes environnementales moins strictes.
L'un des objectifs majeurs de cette taxe est de générer des ressources propres à l'UE : en 2030, lorsqu'elle sera pleinement appliquée, elle pourrait rapporter quelques 10 milliards d'euros par an qui serviront à rembourser les dettes souscrites lors de la pandémie. La taxe carbone européenne pourra sans doute accélérer la transition verte en exportant les objectifs climatiques rigoureux de l'UE, mais elle pourrait se révéler néfaste pour les pays en développement, notamment en Afrique .
Le MACF qui va s'appliquer progressivement à partir d'octobre 2023 en commençant par le ciment, le fer, l'acier, l'aluminium, les engrais, l'électricité et l'hydrogène. Cela pourrait se traduire par une augmentation sensible du coût des exportations à destination de l'UE. Cela pénalisera tout spécialement les pays africains déjà confrontés aux barrières douanières les plus élevées, alors qu'ils comptent souvent sur leurs exportations pour assurer leur croissance économique. David Luke, un professeur de la London School of Economics spécialisé dans la politique commerciale africaine, a lancé récemment un avertissement : la taxe carbone européenne pourrait réduire de presque 6% les exportations de l'Afrique vers l'UE.
Cette taxe pourrait avoir un impact disproportionné sur les pays aux économies fragiles et aux infrastructures limitées. S'ils ne sont pas en mesure de respecter les normes strictes de l'UE en matière de carbone, leur compétitivité en pâtira et le fossé économique avec l'Union européenne se creusera encore. A titre d'exemple, selon une analyse du Center for Global Development, le PIB du Mozambique pourrait chuter de 1,6 %, car une grande partie de ses exportations d'aluminium est à destination de l'UE (plus de la moitié en 2019).
L'Afrique craint également que l'UE n'impose ultérieurement des sanctions commerciales aux pays qui n'atteindront pas les objectifs qu'elle a fixés en matière d'émissions, ce qui exacerberait la précarité économique de l'Afrique et mettrait à rude épreuve un système commercial mondial déjà fragile. Plus immédiatement, la gestion de la taxe carbone européenne exigera des pays qui exportent vers l'UE qu'ils calculent les émissions associées aux biens produits sur leur territoire. Or cela exige un savoir-faire technique et des capacités administratives que beaucoup d'entre eux n'ont pas.
Mais il faut aussi reconnaître que cette taxe pourrait entraîner des changements positifs dans les pays africains. Encourageant la réduction des émissions de gaz à effet de serre, elle pourrait susciter le développement de nouvelles industries et de nouvelles techniques moins dépendantes des processus à forte intensité de carbone, ce qui créera de nouvelles opportunités économiques et encouragera une croissance durable. La transition verte est souvent présentée comme créatrice d'emplois ; en Afrique, le secteur des énergies renouvelables pourrait créer jusqu'à quatre millions d'emplois d'ici la fin de la décennie.
Les pays africains qui s'efforcent déjà de décarboner leur économie bénéficieront de la politique européenne visant à limiter les fuites de carbone. La révolution de l'énergie propre contribuera également à favoriser un accès pour tous à l'électricité , ce qui pourrait être réalisé d'ici à 2030 avec un investissement annuel de 35 milliards de dollars (moins de 1% du PIB mondial) selon l'Agence internationale de l'énergie. Plus de la moitié des quelque 770 millions de personnes qui vivent sans accès à l'électricité se trouvent en Afrique.
En appliquant la taxe carbone européenne, l'UE doit prendre en compte le grand défi qu'elle constitue pour l'Afrique. La part de ce continent dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre, environ 4%, est beaucoup plus faible que celle de l'UE, actuellement quelques 8% , qui est historiquement un grand émetteur de ces gaz. Pourtant c'est l'Afrique qui va supporter l'essentiel des conséquences du réchauffement climatique. Par ailleurs, la mise en œuvre de cette taxe exige une application différenciée, fonction du niveau de développement de chaque pays. Il peut s'agir d'une aide financière ou technique destinée à aider les pays africains à respecter les normes carbone européennes et de l'exemption de la taxe pour certains produits et secteurs cruciaux pour leur économie.
Une taxe carbone aux frontières n'est qu'un instrument de la politique climatique. Elle pourrait se révéler très utile, à condition d'inclure des dispositions destinées à réduire ses inconvénients pour les pays en développement. De même que la lutte contre le réchauffement climatique exige une réponse collective, l'application de cette taxe suppose une collaboration étroite de l'UE avec les pays africains pour les aider à faire face au réchauffement climatique. Ne pas procéder ainsi affecterait en profondeur son efficacité.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Carlos Lopes est professeur à l'Ecole Nelson Mandela de gouvernance publique à l'université du Cap, membre du conseil d'administration de l'Institut des ressources mondiales et président du conseil d'administration de la Fondation africaine pour le climat.
© Project Syndicate 1995–2023
L'un des objectifs majeurs de cette taxe est de générer des ressources propres à l'UE : en 2030, lorsqu'elle sera pleinement appliquée, elle pourrait rapporter quelques 10 milliards d'euros par an qui serviront à rembourser les dettes souscrites lors de la pandémie. La taxe carbone européenne pourra sans doute accélérer la transition verte en exportant les objectifs climatiques rigoureux de l'UE, mais elle pourrait se révéler néfaste pour les pays en développement, notamment en Afrique .
Le MACF qui va s'appliquer progressivement à partir d'octobre 2023 en commençant par le ciment, le fer, l'acier, l'aluminium, les engrais, l'électricité et l'hydrogène. Cela pourrait se traduire par une augmentation sensible du coût des exportations à destination de l'UE. Cela pénalisera tout spécialement les pays africains déjà confrontés aux barrières douanières les plus élevées, alors qu'ils comptent souvent sur leurs exportations pour assurer leur croissance économique. David Luke, un professeur de la London School of Economics spécialisé dans la politique commerciale africaine, a lancé récemment un avertissement : la taxe carbone européenne pourrait réduire de presque 6% les exportations de l'Afrique vers l'UE.
Cette taxe pourrait avoir un impact disproportionné sur les pays aux économies fragiles et aux infrastructures limitées. S'ils ne sont pas en mesure de respecter les normes strictes de l'UE en matière de carbone, leur compétitivité en pâtira et le fossé économique avec l'Union européenne se creusera encore. A titre d'exemple, selon une analyse du Center for Global Development, le PIB du Mozambique pourrait chuter de 1,6 %, car une grande partie de ses exportations d'aluminium est à destination de l'UE (plus de la moitié en 2019).
L'Afrique craint également que l'UE n'impose ultérieurement des sanctions commerciales aux pays qui n'atteindront pas les objectifs qu'elle a fixés en matière d'émissions, ce qui exacerberait la précarité économique de l'Afrique et mettrait à rude épreuve un système commercial mondial déjà fragile. Plus immédiatement, la gestion de la taxe carbone européenne exigera des pays qui exportent vers l'UE qu'ils calculent les émissions associées aux biens produits sur leur territoire. Or cela exige un savoir-faire technique et des capacités administratives que beaucoup d'entre eux n'ont pas.
Mais il faut aussi reconnaître que cette taxe pourrait entraîner des changements positifs dans les pays africains. Encourageant la réduction des émissions de gaz à effet de serre, elle pourrait susciter le développement de nouvelles industries et de nouvelles techniques moins dépendantes des processus à forte intensité de carbone, ce qui créera de nouvelles opportunités économiques et encouragera une croissance durable. La transition verte est souvent présentée comme créatrice d'emplois ; en Afrique, le secteur des énergies renouvelables pourrait créer jusqu'à quatre millions d'emplois d'ici la fin de la décennie.
Les pays africains qui s'efforcent déjà de décarboner leur économie bénéficieront de la politique européenne visant à limiter les fuites de carbone. La révolution de l'énergie propre contribuera également à favoriser un accès pour tous à l'électricité , ce qui pourrait être réalisé d'ici à 2030 avec un investissement annuel de 35 milliards de dollars (moins de 1% du PIB mondial) selon l'Agence internationale de l'énergie. Plus de la moitié des quelque 770 millions de personnes qui vivent sans accès à l'électricité se trouvent en Afrique.
En appliquant la taxe carbone européenne, l'UE doit prendre en compte le grand défi qu'elle constitue pour l'Afrique. La part de ce continent dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre, environ 4%, est beaucoup plus faible que celle de l'UE, actuellement quelques 8% , qui est historiquement un grand émetteur de ces gaz. Pourtant c'est l'Afrique qui va supporter l'essentiel des conséquences du réchauffement climatique. Par ailleurs, la mise en œuvre de cette taxe exige une application différenciée, fonction du niveau de développement de chaque pays. Il peut s'agir d'une aide financière ou technique destinée à aider les pays africains à respecter les normes carbone européennes et de l'exemption de la taxe pour certains produits et secteurs cruciaux pour leur économie.
Une taxe carbone aux frontières n'est qu'un instrument de la politique climatique. Elle pourrait se révéler très utile, à condition d'inclure des dispositions destinées à réduire ses inconvénients pour les pays en développement. De même que la lutte contre le réchauffement climatique exige une réponse collective, l'application de cette taxe suppose une collaboration étroite de l'UE avec les pays africains pour les aider à faire face au réchauffement climatique. Ne pas procéder ainsi affecterait en profondeur son efficacité.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Carlos Lopes est professeur à l'Ecole Nelson Mandela de gouvernance publique à l'université du Cap, membre du conseil d'administration de l'Institut des ressources mondiales et président du conseil d'administration de la Fondation africaine pour le climat.
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