Dans une certaine mesure, ce scepticisme est compréhensible. Le choc pétrolier de 2014 a très durement frappé plusieurs pays africains et a joué un rôle en poussant la croissance globale de 6 % en 2004-2014 à seulement 2,5 % dans la période 2015-2017, soit un taux qui suit à peine le rythme de croissance de la population.
En outre, les trois plus grandes économies du continent (l'Angola, le Nigeria et l'Afrique du Sud), ont connu d'importantes baisses de résultats. L'année dernière les économies de l'Angola et de l'Afrique du Sud ont stagné, alors que l'économie du Nigeria a effectivement diminué de volume pour la première fois depuis 1991. Les dernières prévisions suggèrent que ces pays vont connaître des reprises tièdes dans les années à venir.
Mais les sceptiques de l'Afrique négligent un certain nombre de facteurs importants. Tout d'abord, si l'on met de côté les trois plus grandes économies, le taux de croissance global de l'Afrique subsaharienne pour cette année est passé de 2,5 % à près de 4 %. C'est un taux de croissance plus rapide que celui de 3,5 % qui caractérise actuellement l'économie mondiale. En fait, sur les dix économies à plus forte croissance dans le monde, cinq sont situées en Afrique. Au cours des cinq prochaines années, environ la moitié de toutes les économies d'Afrique subsaharienne vont augmenter à un taux moyen semblable ou supérieur à celui qui prévalait à l'apogée de « l'Africa rising ».
En outre, les prix élevés des matières premières n'ont été qu'un des facteurs qui expliquent l'excellent rendement économique de la région entre 2000 et 2014. De nombreux pays africains ont fait de grandes améliorations dans la gestion macroéconomique, la gouvernance et l'environnement des entreprises. En outre, l'esprit d'entreprise est en plein essor. Même avec la baisse des prix des matières premières, cette évolution va continuer à soutenir de nombreuses économies africaines.
Le scepticisme actuel peut être la manifestation de souvenirs marquants d'une période plus sombre et les craintes que les progrès de l'Afrique n'aient pas été suffisamment consolidés. Des années 1970 au milieu des années 1990, des dictateurs ont été au pouvoir dans de nombreux pays africains et les institutions nécessaires au maintien d'une forte croissance économique ont été fragiles, dans le meilleur des cas. Avec les guerres civiles qui ont constamment lacéré le tissu social dans de nombreux pays, le continent a connu des décennies de croissance économique anémique. En 2000, il avait été réduit à ce que The Economist appelait une « Afrique sans espoir. »
Mais cette époque est révolue. Les décideurs de tout le continent ont subi les réformes de l'ère des années 1990, qui ont préparé le terrain pour la période suivante de forte croissance. Bien qu'il y ait encore beaucoup à faire, l'environnement économique et commercial dans de nombreux pays africains continue de s'améliorer et les institutions et la gouvernance se renforcent.
Grâce aux nouvelles technologies de l'information et des communications, les Africains, en particulier les jeunes Africains, sont mieux informés, plus engagés dans le débat public et politique et de plus en plus capables de demander des comptes à leurs dirigeants. Les TIC ont également déclenché une vague d'innovation et d'entrepreneuriat à travers le continent.
Il y a peu de chances que ces tendances positives s'inversent. Elles vont plutôt continuer d'améliorer les conditions économiques en Afrique, même si les prix des matières premières ne remontent pas. Après tout, la croissance économique de la région était en moyenne de 5,6 % entre 2000 et 2004, avant que les prix des matières premières ne commencent leur rapide ascension.
Mais cela ne veut pas dire que l'Afrique sera à l'abri de redoutables défis dans les années à venir. Au niveau mondial, l'environnement économique sera moins favorable pour les économies africaines. Dans les grandes économies avancées, les taux d'intérêt vont bientôt augmenter et la réaction politique contre la mondialisation peut forcer les gouvernements à abandonner leurs engagements passés en matière d'aide au développement.
À la lumière de toute ces incertitudes, les décideurs africains doivent faire leur autocritique, en mettant l'accent sur des politiques visant à mobiliser les ressources nationales et à financer leurs programmes économiques. Ces programmes doivent comprendre un certain nombre de priorités. Les pays africains doivent diversifier leurs économies pour mieux résister aux chocs futurs, tout en accélérant le rythme de l'industrialisation du continent. Les gouvernements devront trouver un moyen de créer des emplois décents pour les 11 millions de personnes qui intègrent actuellement la population active de la région chaque année. Et ils vont devoir adopter des politiques visant à réduire la pauvreté et à s'assurer que la prospérité est partagée entre toutes les cohortes de la société.
Ces objectifs sont particulièrement importants pour l'Angola, le Nigeria et l'Afrique du Sud. L'Angola et le Nigeria doivent devenir beaucoup moins dépendants du pétrole et l'Afrique du Sud doit encore mettre en œuvre des réformes de grande envergure pour résoudre les problèmes structurels qui persistent depuis l'époque de l'apartheid. Mener ces projets à bien va nécessiter les efforts de dirigeants compétents et résolus à respecter les principes de bonne gouvernance. L'échec sur ce plan risque d'entraîner une longue période de faible croissance.
Mais même si les trois plus grandes économies de l'Afrique finissent dans les limbes, cela ne sera pas nécessairement le dernier mot de l'histoire de « l'Africa rising ». Après tout « Africa rising » ne s'applique pas à « toute » l'Afrique. Des années 1960 aux années 1990, le récit des Quatre dragons ne s'appliquait qu'à Hong Kong, Singapour, la Corée du Sud et Taïwan, à l'exclusion des autres pays en développement en Asie, comme la Chine. De même, les économies africaines se démarquent de plus en plus les unes des autres et doivent donc être évaluées individuellement, selon le bien-fondé de leurs politiques économiques.
Brahima Coulibaly, chercheur et directeur de l'Initiative de croissance de l'Afrique à la Brookings Institution, ancien économiste en chef et directeur du groupe des marchés émergents et des pays en développement au Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale américaine.
En outre, les trois plus grandes économies du continent (l'Angola, le Nigeria et l'Afrique du Sud), ont connu d'importantes baisses de résultats. L'année dernière les économies de l'Angola et de l'Afrique du Sud ont stagné, alors que l'économie du Nigeria a effectivement diminué de volume pour la première fois depuis 1991. Les dernières prévisions suggèrent que ces pays vont connaître des reprises tièdes dans les années à venir.
Mais les sceptiques de l'Afrique négligent un certain nombre de facteurs importants. Tout d'abord, si l'on met de côté les trois plus grandes économies, le taux de croissance global de l'Afrique subsaharienne pour cette année est passé de 2,5 % à près de 4 %. C'est un taux de croissance plus rapide que celui de 3,5 % qui caractérise actuellement l'économie mondiale. En fait, sur les dix économies à plus forte croissance dans le monde, cinq sont situées en Afrique. Au cours des cinq prochaines années, environ la moitié de toutes les économies d'Afrique subsaharienne vont augmenter à un taux moyen semblable ou supérieur à celui qui prévalait à l'apogée de « l'Africa rising ».
En outre, les prix élevés des matières premières n'ont été qu'un des facteurs qui expliquent l'excellent rendement économique de la région entre 2000 et 2014. De nombreux pays africains ont fait de grandes améliorations dans la gestion macroéconomique, la gouvernance et l'environnement des entreprises. En outre, l'esprit d'entreprise est en plein essor. Même avec la baisse des prix des matières premières, cette évolution va continuer à soutenir de nombreuses économies africaines.
Le scepticisme actuel peut être la manifestation de souvenirs marquants d'une période plus sombre et les craintes que les progrès de l'Afrique n'aient pas été suffisamment consolidés. Des années 1970 au milieu des années 1990, des dictateurs ont été au pouvoir dans de nombreux pays africains et les institutions nécessaires au maintien d'une forte croissance économique ont été fragiles, dans le meilleur des cas. Avec les guerres civiles qui ont constamment lacéré le tissu social dans de nombreux pays, le continent a connu des décennies de croissance économique anémique. En 2000, il avait été réduit à ce que The Economist appelait une « Afrique sans espoir. »
Mais cette époque est révolue. Les décideurs de tout le continent ont subi les réformes de l'ère des années 1990, qui ont préparé le terrain pour la période suivante de forte croissance. Bien qu'il y ait encore beaucoup à faire, l'environnement économique et commercial dans de nombreux pays africains continue de s'améliorer et les institutions et la gouvernance se renforcent.
Grâce aux nouvelles technologies de l'information et des communications, les Africains, en particulier les jeunes Africains, sont mieux informés, plus engagés dans le débat public et politique et de plus en plus capables de demander des comptes à leurs dirigeants. Les TIC ont également déclenché une vague d'innovation et d'entrepreneuriat à travers le continent.
Il y a peu de chances que ces tendances positives s'inversent. Elles vont plutôt continuer d'améliorer les conditions économiques en Afrique, même si les prix des matières premières ne remontent pas. Après tout, la croissance économique de la région était en moyenne de 5,6 % entre 2000 et 2004, avant que les prix des matières premières ne commencent leur rapide ascension.
Mais cela ne veut pas dire que l'Afrique sera à l'abri de redoutables défis dans les années à venir. Au niveau mondial, l'environnement économique sera moins favorable pour les économies africaines. Dans les grandes économies avancées, les taux d'intérêt vont bientôt augmenter et la réaction politique contre la mondialisation peut forcer les gouvernements à abandonner leurs engagements passés en matière d'aide au développement.
À la lumière de toute ces incertitudes, les décideurs africains doivent faire leur autocritique, en mettant l'accent sur des politiques visant à mobiliser les ressources nationales et à financer leurs programmes économiques. Ces programmes doivent comprendre un certain nombre de priorités. Les pays africains doivent diversifier leurs économies pour mieux résister aux chocs futurs, tout en accélérant le rythme de l'industrialisation du continent. Les gouvernements devront trouver un moyen de créer des emplois décents pour les 11 millions de personnes qui intègrent actuellement la population active de la région chaque année. Et ils vont devoir adopter des politiques visant à réduire la pauvreté et à s'assurer que la prospérité est partagée entre toutes les cohortes de la société.
Ces objectifs sont particulièrement importants pour l'Angola, le Nigeria et l'Afrique du Sud. L'Angola et le Nigeria doivent devenir beaucoup moins dépendants du pétrole et l'Afrique du Sud doit encore mettre en œuvre des réformes de grande envergure pour résoudre les problèmes structurels qui persistent depuis l'époque de l'apartheid. Mener ces projets à bien va nécessiter les efforts de dirigeants compétents et résolus à respecter les principes de bonne gouvernance. L'échec sur ce plan risque d'entraîner une longue période de faible croissance.
Mais même si les trois plus grandes économies de l'Afrique finissent dans les limbes, cela ne sera pas nécessairement le dernier mot de l'histoire de « l'Africa rising ». Après tout « Africa rising » ne s'applique pas à « toute » l'Afrique. Des années 1960 aux années 1990, le récit des Quatre dragons ne s'appliquait qu'à Hong Kong, Singapour, la Corée du Sud et Taïwan, à l'exclusion des autres pays en développement en Asie, comme la Chine. De même, les économies africaines se démarquent de plus en plus les unes des autres et doivent donc être évaluées individuellement, selon le bien-fondé de leurs politiques économiques.
Brahima Coulibaly, chercheur et directeur de l'Initiative de croissance de l'Afrique à la Brookings Institution, ancien économiste en chef et directeur du groupe des marchés émergents et des pays en développement au Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale américaine.